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L'huitre et l'espuma

Aventures gustatives à San Francisco.

Le ferry building depuis the EmbarcaderoLe ferry building depuis the Embarcadero

Un ami de San Francisco m'a invité à dîner dans un nouveau restaurant. Il a réussi à nous avoir une table en semaine, en début de soirée. À cette heure de la journée, l'endroit était vide et calme. Notre table était contre une fenêtre donnant sur l'océan Pacifique où des goélands survolaient de longues et lentes vagues.

À peine assis, je m’y sentais bien, l’éclairage tamisé éclairé suffisamment pour voir de belles photos en noir et blanc de la Californie accrochées au mur, les serviettes de table étaient d’un tissu lourd, épais et soyeux, les couverts, simples et élégants.

Le serveur arriva et, en nous remettant les menus, nous décrit les spécialités du jour. Tandis qu'il parlait, ma faim grandissait. Nous fîmes notre choix et comme j'étais français mon ami me demanda de choisir le vin. À ma grande surprise, bien qu’étant en Californie, il y avait principalement des vins français et encore plus étonnamment, beaucoup de Val de Loire, dont un Menetou-Salon, élaborée par un viticulteur que je connaissais. J’en commandais une bouteille.

De l'entrée, au dessert, ce repas fut un rêve et le vin, légèrement sec mais plein en bouche, se révéla être le complément parfait. Je me souviendrai toujours d’un plat: c’était une huître de Tomales tiède posée sur un lit de sel de mer, servi avec un espuma de champagne, d’eau de mer et d’algues wakamé, après l’avoir posée sur la table, le serveur tourna une fois un moulin à poivre laissant tomber seulement quelques grains croquants de poivre de Malabar sur l’assiette.

Le son du moulin à poivre, l'odeur qu'il dégageait étaient le signal d'un plaisir incroyable : deux bouchées de cette huître, mélangées à de l'espuma. Ma bouche était un rivage, accueillant de douces vagues qui, en se déployant sur ma langue, révélaient un murmure de saveurs, l’iode, la subtile acidité du poivre, la douceur élégante du champagne.

Mon ami avait également choisi ce plat. Après l’avoir fini, nous nous sommes regardés, sans voix, seulement capables de prononcer les premieres syllabes de différents superlatifs. J’avais les yeux humides, le plaisir continuait avec de légers arômes de wakamé, persistant dans la bouche, se mélant au picotement fugace du poivre.

Le serveur s'approcha de la table pour voir comment cela se passait, mais il le vit sur notre visage et fit demi-tour.

Je pris une gorgée du Menetou-Salon pour un plaisir que je n’essaierai même pas de décrire, par manque de mots ou d’imagination. Disons qu'avec le vin, les saveurs évoquaient des couleurs, une toile impressionniste. Si le chef était venu à ce moment-là, je l'aurais embrassé.

Je me souviendrai toujours avec tendresse de ce moment et au moment où j'écris ceci texte, je salive.


Ne ratez pas la deuxième partie de mes aventures gustatives à San Francisco: La revanche de l'huitre et l'espuma