GastORnomie | à propos | Saint Nectaire fermier, le meilleur fromage du monde
Des bus nous attendaient au pieds du bateau. Ils roulaient à gauche. Pas de doute, on était bien en Angleterre. À Bexleyheath on est descendu. En face de nous, des familles nous regardaient, certaines avaient l'air sympa, d'autre pas, certaines avaient des enfants, d'autres pas. On devait ressembler à l'équipage de Christophe Colomb découvrant des indiens pour la première fois.
Le temps du voyage, les plus âgés nous avaient expliqué que "des fois c'est pas bien", car "les angliches" font ça pour l'argent, "s'occuper des élèves, c'est pas leur truc".
Quelqu'un se mit à crier nos noms suivis de celui de la famille d'accueil. Tandis que mes nouveaux copains partaient, je regardais le choix se réduire, sympa, pas sympa, sympa, pas sympa... Puis il ne resta qu'une famille, puis il n'en resta plus.
"Miss Pinkleton n'a pas pu venir te chercher, elle est âgée et n'a pas de voiture, on te conduira chez elle". Là je me dis qu'elle devait faire ça pour l'argent.
Petite, cheveux blancs et pantoufles aux pieds, elle m'attendait en souriant devant sa maison. On me présenta puis je restais seul avec elle. Je ne comprenais pas un mot de ce qu'elle disait. On rentra.
Je découvrais les épaisses moquettes synthétiques, dans le couloir et le salon. Encore plus épaisses et colorées dans l'escalier. Dans ma chambre au premier, les draps de nylons qui glissaient et tombaient par terre, entraînant dans leur chute, la couverture, aussi en nylon, mais molletonnée. La fenêtre à guillotine ne fermait pas complètement, elle laissait rentrer l'air et le bruit des voitures. Je découvrais la fausse cheminée avec des bûches en plastiques qui ne chauffent pas, les repas à base de thé, d'un toast avec de la margarine et des oignons de printemps, ou alors à base de thé, d'un toast avec une couche de Marmite dessus ou alors de la marmelade.
J'avais 14 ans et restais un mois à Bexleyheath, pour apprendre l'anglais.
L'école était à Blackheath. L'après-midi, après les cours, je devais prendre le double-decker. Il était rouge et jamais à l'heure. Alors, je traversais la rue, en regardant d'abord à droite puis à gauche, et rentrais dans une petite épicerie. Elle vendait les fruits à la pièce et tellement cher que personne n'en achetait. Les sucreries étaient bien sucrées et sans doute bien chimiques aussi, le choix était immense, pourtant, très vite je devenais exclusif, n'achetant que des Aero Mint, gras et sucré, mais délicieux.
Madame Pinkleton, ne s'appelait pas Pinkleton, j'ai oublié son nom. Elle m'apprit à manger les petits pois avec le dos de la fourchette. Lors d'un repas exceptionnel, un dimanche, elle prépara un agneau à la menthe. Avec en dessert de la gelée rose.
Alors que j’étais mineur, elle me permit d'aller à un festival de rock'n roll au Wemblay Stadium. J'y voyais, MC-5, Screaming Lord Sutch, Gary Glitter, Little Richard, Jerry Lee Lewis, Chuck Berry, Bo Diddley, Bill Halley, The Platters et d'autres groupes dont j'ai oublié le nom.
J'y voyais une vraie bagarre entre vrais Hells-angels en cuir et des Teddys en chaussures à semelles compensée.
J'y voyais des canettes de bière remplies de sable voler sur la scène. Sur le chemin de la gare, ça sentait les fish and chips. Et les chips au vinaigre.
Je suis allé récement acheter du thé chez Broken English un magasin anglais de la Grimmstraße à Berlin. A côté de la caisse ils vendaient des Aero mint. J’en ai acheté un paquet. Dommage, ils ont changé la recette.